Biographie

1. Premières années et premier roman (2001 – 2008)

Première dédicace en librairie
Première dédicace chez Cultura.

Un ado dans sa bulle

Je crois qu’on ne se rend pas compte, quand on commence à écrire à dix-sept ans, qu’on s’engage peut-être pour toute une vie. À cet âge-là, on se dit qu’on a une idée, deux, trois qui s’ajoutent, et que ça fera passer le temps. J’étais un ado comme beaucoup : le dernier d’une fratrie de neuf, un peu en décalage, souvent dans ma bulle. Pas l’ado populaire ou génial qui sait exactement où il va, plutôt le type qui observe, qui se dit : « Tiens, pourquoi on agit comme ça ? » et qui finit par remplir des cahiers avec des bouts d’histoires.

Les premières pages

Je me souviens très bien du tout début : une idée floue, sans la moindre ambition. Je pensais vraiment écrire un petit récit de trois pages. Juste pour poser une ambiance, un moment, un personnage. Et puis, sans trop savoir pourquoi, ça a continué. J’ai écrit le lendemain, puis le surlendemain, et ça n’arrêtait pas. Je découvrais un truc qui allait changer ma vie sans que je m’en rende compte : l’écriture pouvait devenir un monde en soi, un espace où je me sentais à ma place. À l’époque, je n’appelais pas ça « écrire un roman ». Je disais juste : « J’écris une histoire, on verra ». Et au final, quelques années plus tard, ça donnait Au Jour le jour.

Le lien avec les lecteurs
Le lien avec les lecteurs.

Les influences fondatrices

Mes influences sont partout dans mes textes, même si elles ne sont pas toujours évidentes. J’ai grandi avec IAM, et pas seulement leur musique : leur parole, leur ambiance, la façon dont Akhenaton pouvait raconter une vie en trois minutes avec une poésie urbaine, mélancolique, presque cinématographique. Ça m’a appris à chercher la musicalité des phrases et à comprendre que les histoires de « petits » personnages pouvaient être aussi épiques qu’une légende antique. Bob Dylan et toute la vibe des années 60–70 ont ajouté autre chose : cette idée que la parole peut être un acte de résistance, que l’art peut être brut et imparfait mais toucher au cœur.

Puis, il y a eu Nirvana. Eux, c’était l’énergie brute, la sincérité à l’état pur, presque désespérée parfois, mais jamais factice. Quand j’écris des passages très tendus, où un personnage est au bord de craquer, je sens cette influence, ce côté « Ça doit être vrai, pas joli ».

Côté littérature, j’ai été marqué tôt par Maupassant : cette façon d’observer la société à travers des histoires simples, souvent cruelles, mais pleines de vérité. Richard Wright, lui, m’a ouvert un autre monde : celui de la rage contenue et de la dignité qu’on arrache quand tout semble perdu. Et puis Tom Sawyer, parce qu’il ne faut pas se mentir : j’ai toujours eu un faible pour les récits d’enfance et d’aventures, cette idée de liberté absolue (qui revient beaucoup dans mes personnages).

Et puis les mangas japonais… ça peut sembler très loin de tout ça, mais en réalité, c’est lié. Ce sont eux qui m’ont appris qu’on pouvait mélanger l’émotion pure et l’action la plus démesurée. Ils m’ont aussi appris à assumer un imaginaire un peu fou, parfois poétique, parfois violent. À cela s’ajoutent les univers fantastiques des jeux vidéo : Final Fantasy VII et Zelda: Ocarina of Time en tête. Eux, ils m’ont donné le goût de la grande aventure, des quêtes qui dépassent l’individu, des mondes construits avec leur propre cohérence. Quand j’ai commencé à écrire, je ne cherchais pas seulement à raconter une petite histoire : je voulais donner l’impression qu’il y avait un monde derrière, un hors-champ, comme dans ces jeux où l’on se dit : « Et si je pouvais aller derrière cette montagne, qu’est-ce que je trouverais ? ».

Le regard photo qui se forge
Le regard photo qui se forge.

Un style déjà cinématographique

C’est marrant parce que mon premier roman, Au Jour le jour, c’était un vrai patchwork d’idées adolescentes : des personnages un peu clichés (ou du moins, je les pensais clichés), des scènes presque naïves… mais, déjà, un style un peu cinématographique. Pas parce que j’avais fait du cinéma (à dix-sept ans, j’étais encore très loin de ça) mais parce que je voyais mes histoires comme des scènes de film dans ma tête. J’entendais la musique, je voyais le mouvement de caméra, je voulais presque noter : « Plan serré sur son regard » dans mes dialogues. Avec du recul, ça peut sembler un peu ridicule… mais, en fait, c’était déjà moi.

Je crois que ce style vient de deux choses. D’abord, je regardais pas mal de films (merci les vidéoclubs et les DVD achetés par mon grand frère). Et ensuite, il y avait la photo. Je n’étais pas encore photographe « officiel », mais j’adorais déjà prendre des photos avec tout ce qui me tombait sous la main. J’aimais les angles étranges, les contre-jours, les détails insignifiants qu’on ne remarque pas à l’œil nu. Et même si à l’époque je n’avais aucune idée que ça m’amènerait vers le cinéma plus tard, je sentais que ça faisait partie de moi.

Un environnement modeste et créatif

Mon environnement de vie, c’était… comment dire… modeste, mais vivant. Un appartement où, quand tu es le petit dernier de neuf enfants, tu apprends vite à te faire une place autrement que par la force ou le volume sonore. Je compensais souvent en imaginant des mondes, des dialogues, des personnages plus grands que moi. Quand j’y pense aujourd’hui, je me dis que c’était peut-être déjà une manière de me fabriquer un espace à moi, à défaut de trouver ma place dans le réel. Mais attention, pas de version « Jeune artiste torturé qui écrit dans le grenier ». J’écrivais souvent sur mon lit, une BD sur mes genoux pour support, avec du bruit autour, parce que c’était comme ça qu’on vivait.

Le processus d’écriture… honnêtement, c’était chaotique. J’ai réécrit, encore et encore, souvent sans plan, juste au feeling. Au bout d’un moment, j’ai compris que ça dépassait les deux-trois feuilles initiales : c’était devenu une histoire longue, avec des arcs, des personnages qui évoluent. Là, j’ai commencé à me dire « Et si c’était un roman ? ». Et comme j’ai la tête dure, je me suis accroché. Il y avait une fierté un peu enfantine : « Moi aussi je peux écrire un roman ». Et une peur constante : « Mais si c’était nul ? ». (Spoiler : c’était un peu nul, mais je l’aimais quand même ce premier roman.)

La première publication

Au Jour le jour – première édition
1ère version d'Au Jour le jour. Depuis, le roman a été entièrement réécrit deux fois pour donner naissance à Dangereuses amitiés.

Publier, par contre, ça a été une autre aventure. J’étais jeune, sans réseau dans l’édition, donc ça s’est fait un peu à la débrouille. Et ça a donné un objet imparfait, mais qui existait : Au Jour le jour, publié en 2008. Ce moment, c’était un mélange étrange : une immense fierté d’avoir « un vrai livre », et en même temps, une sorte de vertige : « et maintenant, qu’est-ce que je fais ? ». À vingt-quatre ans, tu penses que publier un roman va te transformer. En vrai ? Tu te réveilles le lendemain, et tu es toujours toi. Mais un toi qui s'est prouvé à lui-même qu’il peut aller au bout d’un truc qui compte.

Une révélation

Quand je regarde cette période aujourd’hui, je ressens un mélange de tendresse et de malaise. Tendresse parce que c’était naïf, brut, sincère. Malaise parce que, clairement, j’avais encore tout à apprendre : la technique, la narration, la patience… Mais j’ai compris une chose : j’étais capable de créer un univers de toutes pièces et de le tenir sur la longueur. Ça m’a donné un appétit qui ne m’a jamais quitté, même quand j’ai cru tout arrêter plus tard (mais ça, on y reviendra).

Et puis, il y avait cette idée : un roman, ça peut être plus qu’une simple histoire. Ça peut devenir un miroir des émotions des gens, un espace de partage. Je crois que c’est là que j’ai attrapé le virus de la création : pas pour être connu, pas pour qu’on m’applaudisse (je suis d’ailleurs très mal à l’aise avec ça), mais pour créer ce moment suspendu où un lecteur se déconnecte du monde extérieur.

2. La frénésie créative et l’œil derrière la caméra (2008 – 2014)

Projection en salle d’Au Jour le jour (2014)
Projection en salle d’Au Jour le jour (2014).

Produire pour respirer

Si on regarde ma bibliographie sur papier, on dirait qu’à partir de 2008 je me suis mis à produire comme un forcené. Et c’est vrai : les romans se sont enchaînés (Creatio en 2012, Tentation en 2013, Pandore en 2015, Pulsion en 2016…). Mais la vérité derrière, c’est un peu moins glorieux : je découvrais que plus je créais, moins j’avais de temps à consacrer à ce qui pouvait me faire peur.

C’est un truc que j’ai mis du temps à comprendre : la création peut être une fuite, mais une fuite constructive. Il y a des gens qui font du sport à outrance, d’autres qui se plongent dans leur boulot… moi, c’était l’écriture. Et j’étais pudique à ce sujet, parce que je n’avais pas envie que quelqu’un me lise en pensant : « Oh, il doit aller mal, là ». Non. J’allais bien parce que j’écrivais. J’allais bien parce que chaque phrase écrite était une preuve que je pouvais construire quelque chose de positif à partir du chaos intérieur.

Un style en maturation

Ça s’est traduit par un rythme effréné : je bossais, j’écrivais le soir, les week-ends, parfois la nuit. Ça peut sembler obsessionnel, et ça l’était un peu, mais avec le recul, je crois que j’étais en train de trouver mon langage. Mes premiers textes (en dehors de Au Jour le jour) étaient encore un peu expérimentaux, mais je commençais à avoir une vraie voix : ce mélange de suspense, de personnages abîmés mais debout, de réflexions sociales qui venaient s’inviter même quand je n’en voulais pas.

Équipe de « C’est Comme Ça » (2012–2013)
Équipe de « C’est Comme Ça » (2012–2013).

La photographie comme école du regard

C’est aussi pendant cette période que la photographie a pris plus de place. Je faisais beaucoup de portraits et de photos urbaines. Sur le moment, ça semblait juste une passion parallèle, mais ça m’a donné un œil qui me servirait plus tard dans mes projets audiovisuels. En photo, on apprend à raconter une histoire avec un seul cadre, un seul instant figé. Et quand je suis passé au cinéma plus tard, j’avais déjà cette habitude : chercher le détail qui raconte tout, la lumière qui change une ambiance, l’angle qui donne une émotion.

Présentation en club de lecture
Présentation en club de lecture (bibliothèque de Chapet).

Les premières expériences vidéo

Et puis il y a eu le basculement vers l’audiovisuel. Il y a eu plein de petites expériences que vous pouvez retrouver sur mon site : des courts métrages réalisés avec des collèges, un peu bricolés mais faits avec le cœur. Mais avant cela, tout est parti de projets qui ont mêlé amitiés, passions et improvisation : les webséries, C’est Comme Ça (2012) et Easter Egg (2017). Là encore, ce n’était pas des « produits » calibrés pour plaire, mais des espaces de liberté, des laboratoires où je pouvais tester des idées et m’amuser avec des équipes qui, souvent, venaient bénévolement, juste pour le plaisir de créer.

Je crois que cette période m’a appris un truc fondamental : on peut avoir zéro moyen et quand même créer quelque chose de fort si on a de l’envie et des gens passionnés autour de soi. J’ai encore en mémoire ces tournages improvisés, avec du matériel prêté ou bricolé, et des acteurs qui venaient de Paris exprès pour jouer dans un projet sans budget. Ça te marque. Ça te fait croire en la solidarité créative.

Une énergie, une obsession

Dédicace AJLJ V2 après projection
Je dédicace la version 2 d’Au Jour le jour après la projection au cinéma.

Pendant toutes ces années, j’étais dans une logique « production-production-production ». Chaque roman terminé en appelait un autre, chaque idée de court métrage en entraînait deux autres. Je pensais que c’était parce que j’étais passionné (et je l’étais), mais avec le recul, je sais qu’il y avait un truc plus profond : produire, c’était faire taire mes angoisses. Quand j’étais plongé dans l’écriture ou un montage vidéo, je n’entendais plus ce bruit de fond. C’était mon silence intérieur, mon sas de décompression.

Je n’ai pas honte de ça, même si ça peut sembler un peu brut de l’avouer. Parce qu’au fond, c’est ce qui m’a permis de bâtir une œuvre conséquente sans me perdre en route. Et, paradoxalement, ça m’a aussi appris à aimer la lenteur, à apprécier les pauses (même si, à ce moment-là, je n’en prenais pas encore).

Leçon de cette période

Quand je repense à cette période, j’ai une image en tête : moi, en train de taper sur un clavier jusqu’à pas d’heure, un casque sur les oreilles avec de la musique qui tourne en boucle (souvent IAM, ou Bob Dylan, parfois des bandes originales de films, ou encore Renaud qui commençait à s’inviter sur mes playlist). C’est un souvenir à la fois agréable mais aussi un peu amer. Agréable parce que j’étais dans un élan créatif incroyable. Amer parce que je ne voyais pas venir la fatigue, ni ce que ça voulait dire de travailler toujours « à fond ». Mais bon, ça, je ne l’ai compris qu’après (et on y viendra dans la section suivante).

3. Cinéma, apogée et crash brutal (2014 – 2019)

Premiers tournages ambitieux
Premiers tournages ambitieux.

Le passage au cinéma

2014 a marqué un tournant. Jusqu’ici, j’étais un auteur acharné, un photographe à mes heures, un prof qui aimait transmettre (de photographie, puis de français), mais je n’avais jamais osé franchir la barrière : passer derrière une caméra pour raconter mes histoires en images. Et puis j’ai eu cette idée un peu folle : adapter mon premier roman, Au Jour le jour, en film.

Je n’avais pas un euro, pas de réseau professionnel solide, juste une bande de gens motivés, certains pros, d’autres amateurs, et une énorme envie de faire vivre mes personnages en dehors du papier.

J’ai appris la réalisation comme on apprend à nager : en sautant directement dans l’eau (je crois que j’ai toujours fonctionné un peu comme ça). Les premiers jours de tournage, j’avais l’impression d’être un imposteur : je donnais des instructions techniques avec un vocabulaire bricolé, parfois inventé sur le moment. Mais il y avait une énergie, une sorte de camaraderie qui portait tout le projet. Ce qui devait être un simple essai s’est transformé en un vrai film, projeté devant un vrai public. Et la réaction ? Elle m’a donné un coup d’adrénaline énorme.

À la radio pour la promo de Némésis
À la radio pour la promo de Némésis.

L’élan créatif

Après ça, tout s’est emballé. Entre 2014 et 2019, j’ai fait des courts métrages (avec des collèges ou des passionnés venus de partout), deux webséries (C’est Comme Ça et Easter Egg), et surtout, le projet Némésis.

Easter Egg reste un de mes projets les plus personnels : un ton décalé, un humour absurde, presque expérimental. Ce n’était pas pour plaire à tout le monde, et ça me plaisait justement. J’avais envie de jouer avec la narration, de surprendre même l’équipe sur le plateau (quand les deux webséries seront de nouveau accessibles en ligne, je consacrerai une page dessus sur ce site).

Mais NémésisNémésis, c’était autre chose. C’était un roman dense, très sombre, qui avait déjà trouvé son public. Et l’idée de l’adapter me hantait : je ne voulais pas faire un téléfilm cheap, je voulais un vrai film, avec une vraie identité.

On m’avait dit : « Tu n’as pas les moyens, tu n’as pas l’équipe ». Et moi, têtu comme je suis, j’ai répondu : « On va le faire quand même ! »

Tourner par tous les temps
Tourner par tous les temps.
Selfie d’équipe (Némésis)
Selfie d’équipe (Némésis).

Cinq ans de travail

Cinq ans. 2014 à 2019.

Cinq années à écrire, réécrire, chercher des décors, trouver des financements (parfois de ma poche, souvent grâce à des gens qui croyaient au projet), convaincre des acteurs de venir (certains pros, d’autres passionnés qui n’avaient jamais mis un pied devant une caméra).

On a tourné sous la pluie, dans des lieux improbables, avec du matériel prêté ou fabriqué sur mesure. Il y avait quelque chose de magique : des gens qui donnaient de leur temps gratuitement, juste parce qu’ils croyaient en une histoire. Et ça, ça m’a marqué.

Je me souviens d’un soir de tournage en extérieur, il faisait un froid glacial, tout le monde tremblait, et pourtant, personne ne s’est plaint. C’est ce genre de moments qui te fait croire que, malgré tout, ton univers compte pour d’autres.

La soirée test et l’épuisement

Il y a eu un moment, en 2019, où tout a basculé. Pas avec un gros drame, pas avec une catastrophe extérieure, mais avec quelque chose de beaucoup plus banal : la fatigue qui explose en plein vol.

J’avais passé cinq ans à fond sur le film Némésis (2014 – 2019). C’était un projet titanesque pour moi : écrire le roman, l’adapter en scénario, recruter une équipe, tourner, monter, corriger, recommencer… pendant des années. Et, honnêtement, je croyais tenir le coup. Je me disais « je gère », parce que je suis comme ça : je fonce, je règle les problèmes au fur et à mesure, je ne regarde pas trop la jauge d’énergie.

Puis est venue la soirée de projection-test : en privé chez moi, un petit public invité, l’objectif étant qu’on me dise ce qu’il fallait encore améliorer avant la sortie officielle. Sur deux heures de film, ils m’ont donné quoi ? Cinq petites remarques techniques, pas plus. Des broutilles qui, objectivement, représentaient 0,01 % du travail déjà accompli. Mais à cet instant, quelque chose a basculé : ces cinq détails minuscules ont soudain pris des proportions immenses. Pas parce que c’était insurmontable, mais parce que, dans mon état, la montagne que je croyais encore loin venait d’apparaître devant moi.

Et là, sans réfléchir, moi qui ne suis pas du genre à me montrer en spectacle, je me suis allongé au sol. Pas tombé, pas effondré : juste allongé, comme si mon corps avait décidé de parler à ma place. C’était presque comique : « vous avez un film à corriger, Xavier ? » – « Oui… mais moi, je n’ai plus de batterie, là. »

Les critiques et le coup de grâce

Article prix littéraire 2018 – Némésis
Prix littéraire pour Némésis (2018).

Cette période a aussi été marqué par le prix littéraire pour mon roman Némésis. Derrière la consécration de tant de travail, je n’avais pas vu venir ce qui devait être le revers de la médaille.

Tu travailles comme un fou, tu mets tout ce que tu as, et en deux jours, vingt personnes te mettent 0/5 sur Amazon. Vingt. En deux jours.

Ça paraît anecdotique dit comme ça, mais quand on a mis tout son cœur pendant des années dans une histoire, ça fait mal. Pas tant parce qu’il y avait des gens qui n’aimaient pas (ça, ça fait partie du jeu), mais parce que ça ressemblait à une action concertée, gratuite. À quoi bon se tuer à la tâche si c’est pour se prendre ça dans la figure ?

Je ne vais pas faire semblant : ça m’a brisé net.

J’ai tout arrêté. L’écriture, les tournages, la communication. Pendant un temps, j’ai même envisagé de supprimer mes comptes, de retirer mes romans. À quoi bon d’épuiser, si c’est pour vivre ça ?

La longue pause

Pause et basket pendant le Covid
Pause basket, monde à l’arrêt (Covid).

Et quelques mois plus tard, le Covid est arrivé, les confinements, les couvre-feux… C’est comme si le monde entier s’était mis au diapason de ma décision personnelle : arrêter, me taire, vivre autrement.

Pendant cette période, j’ai redécouvert des plaisirs simples : passer du temps avec ma famille, jouer intensément au basket, enchaîner des jeux vidéo que j’avais mis de côté depuis des années, lire cette pile de romans qui m’attendait. Ça peut paraître banal, mais après des années de création non-stop, ça avait quelque chose de réparateur.

Et vous savez quoi ? Ça m’a fait du bien ! Ça m’a permis de me souvenir pourquoi je faisais tout ça au départ. Pas pour plaire, pas pour la reconnaissance, pas pour être « un auteur » ou « un réalisateur ». Juste pour créer, parce que ça me rend heureux.

La solidarité qui reste

Avec Vincent Gros, assistant réalisateur
Avec Vincent Gros, assistant réal sur Némésis, qui m'a été d'une aide précieuse, et sans qui rien n'aurait été possible.

Malgré cette cassure, il y a un truc que je retiens de cette période : la solidarité. Des gens qui sont venus m’aider, gratuitement, encore et encore. Des acteurs, des techniciens, des amis qui ont donné de leur temps, de leur énergie.

Et ça, je ne l’oublierai jamais. Même si j’ai baclé la promo du film Némésis à cause de mon épuisement, je me suis toujours promis, un jour, de reprendre ce film, de le retravailler à fond, de le reproposer en salle pour lui donner une nouvelle vie. Parce que ces gens-là le méritent. Parce que leur investissement mérite mieux qu’un abandon précipité.

4. Le choc et la longue pause (2019 – 2024)

Une parenthèse inattendue

Parenthèse inattendue
Le plaisir d'écrire des récits différents et avec humour.

Paradoxalement, même en refusant d’écrire, les idées continuaient d’arriver. J’ai fini par publier un petit texte, presque par accident : (Con)finés. Une satire de la période de confinement, un petit exutoire de 60 pages publié sous pseudo, qui s’écrivait tout seul juste en allumant la télé. Ce n’était pas un « retour à l’écriture », juste une bulle, une parenthèse.

J’ai aussi publié Replay, même si je l’avais écrit bien avant (en 2017). Je me disais que je voulais quand même finir les choses bien, et que je me devais de rendre accessibles mes projets déjà terminés. Ce roman était assez particulier car il s’agissait d’une sorte d’autobiographique, mais avec un ton volontairement léger, presque décalé. J’y parlais de choses dures : une rupture douloureuse en 2015, un décès marquant en 2017… sauf que je les racontais avec humour, pour dédramatiser. Ce roman était un peu mon pied de nez à la fatalité : prendre des événements lourds et les transformer en comédie de la vie.

Cinq ans sans roman, ni film

Cette pause, qui au départ devait être temporaire, a duré cinq ans. Cinq ans à laisser infuser, à recharger les batteries, à laisser venir l’envie. Parce qu’après tout, c’est quoi l’intérêt de créer ? Pour moi, ce n’est pas la reconnaissance, ce n’est pas la posture « artiste » : c’est juste partager des émotions, des moments de plaisir avec d’autres. Et si ça se transforme en corvée ou en cible à détester, alors il faut savoir dire stop.

Les idées toujours là

Carnets d’idées toujours ouverts
Conférence pour présenter mes projets.

Mais un truc est resté pendant tout ce temps : des idées, des envies de personnages, d’univers. Je les notais, sans pression, sans objectif. Et un jour, cinq ans plus tard, l’envie de refaire surface est revenue. Pas la même qu’avant. Une envie différente : créer à mon rythme, comme je veux, sans chercher à plaire à tout le monde, en me concentrant uniquement sur le positif.

Et après ?

    Ce que j’ai vécu entre 2014 et 2019 a forgé ma manière actuelle de travailler. Ça m’a appris que le temps est précieux, que l’énergie n’est pas infinie, et que les histoires méritent d’être racontées seulement si on a envie de les raconter. Alors, ce temps de repos m'a permis de concevoir une nouvelle philosophie de travail :

  • Faire les choses uniquement quand j’en ai envie
  • Ne plus chercher à répondre à des « attentes »
  • Me concentrer uniquement sur le plaisir de créer et le positif qui en ressort
  • Accepter de ne pas plaire à tout le monde, d'être clivant, et que satisfaire ne serait-ce qu'un seul lecteur, c'est déjà une victoire en soi

5. Le déclic et la nouvelle philosophie (2024 – aujourd’hui)

Renouveau & nouvelles couvertures – échange avec lecteurs
Renouveau & nouvelles couvertures – échange avec les lecteurs.

Une pause animée

Même durant la pause, les idées ne m’ont jamais laissé tranquille. Elles surgissaient au réveil, s’imposaient sous la douche, me coupaient en pleine conversation. Comme si les personnages de Méthée, de l’Enfer est sur Terre (ou bien d’autres aventures que vous découvrirez bientôt) poursuivaient leur route sans se soucier de mon absence. Cette période sans écriture était censée être une respiration : je voulais me consacrer à d’autres aspects de ma vie, laisser l’édition et la promotion derrière moi. Mais le silence intérieur que j’espérais n’est jamais venu.

Un signe inattendu

Le véritable déclic, pourtant, ne devait rien à une réflexion intérieure. Il est arrivé de façon presque absurde, comme un clin d’œil du hasard. Un soir, dans un restaurant, je discutais avec une amie qui m’encourageait vivement à reprendre la plume. Ma réponse fut catégorique : « Non, je n’ai plus la niaque… » m'entêtais-je. Au même moment, le serveur est arrivé pour prendre notre commande, m’a reconnu et, sans avoir entendu un mot de notre conversation, a lâché : « Ah, c’est vous qui avez fait Au Jour le jour et Némésis ? Il ne faut pas arrêter, hein ! » Ce décalage m’a frappé de plein fouet : comme si l’univers me faisait passer un message clair par la bouche d’un inconnu. J’ai ri, elle aussi, mais au fond, quelque chose venait de se fissurer.

Un nouvel état d’esprit

Dangereuses amitiés – nouvelle version d’AJLJ
Dangereuses amitiés : début d’un nouveau chapitre créatif.

J’ai recommencé à écrire, mais avec un état d’esprit radicalement différent. Fini la pression de devoir tout produire vite, de faire entrer mes projets dans des cases marketing ou éditoriales. J’ai décidé d’écrire pour moi d’abord, pour le plaisir, en me concentrant sur ce qui m’avait fait aimer cette discipline : la liberté d’inventer des mondes et de laisser parler mes personnages. Cette philosophie m’a conduit à une décision audacieuse : reprendre Au Jour le jour à zéro pour en faire un nouveau roman, Dangereuses Amitiés (2025). Plus qu’une réécriture, c’était une transfiguration : un texte plus mature, plus dense, plus fidèle à l’histoire que j’avais toujours voulu raconter. Au jour le jour avait été le point de départ du premier chapitre de ma carrière, Dangereuses Amitiés serait celui du second chapitre.

Nouvelles couvertures des romans
Nouvelles couvertures des romans.

Une liberté retrouvée

Aujourd’hui, je regarde vers l’avenir avec une sérénité nouvelle. L’univers de Méthée continue de s’étendre, et moi avec lui. Je n’écris plus pour cocher des cases ou répondre à une attente extérieure, mais pour explorer, surprendre et toucher. Cette liberté ouvre un champ immense : de nouveaux romans, de nouvelles formes de narration (BD, essais), peut-être même des projets inattendus. J’avance sans certitude, mais avec enthousiasme, convaincu que tout reste possible.